Hodgkin mon ami

Hodgkin mon ami

8) C6, le retour puis la délivrance

 

De retour au 6ème étage, je suis une fois encore bien accueilli, tout le monde se rappelle de moi. J’ai le droit à mon « ahhhh bonjour Monsieur Drancourt », un accueil qui va faire naitre une relation particulière avec ceux et celles qui s’occupent de moi. Que ce soit le personnel de la Réa ou de C6, cette relation sera pour moi très forte, j’en prendrai conscience longtemps après. Un sentiment que je n’arrive toujours pas à expliquer, à exprimer à ma femme par exemple. C’est quelque chose que je n’avais pas ressenti avant. Ce ne sont pas mes amis et pourtant, ces personnes ont terriblement compté pour moi, et continueront de compter.

 

Je ne passerai que deux ou trois jours je crois en C6, à attendre la fin de mon aplasie et la remontée de mes globules blancs.

Mi-octobre 2012, nous y sommes, on vient de m’annoncer que je quitte aujourd’hui l’hôpital. J’ai peur, peur d’être seul, de ne plus être assisté s’il m’arrive quelque chose, comment vais-je affronter l’extérieur, j’arrive à peine à porter mon sac, je suis essoufflé au bout de 10 mètres dans le couloir et les ascenseurs sont encore loin.

« ça va aller ? » me dit-on à l’accueil, la plupart des infirmières sont là pour me dire au revoir, forcément ça me boost, je gonfle mes poumons, serre les dents et j’y vais.

«  on espère ne pas vous revoir Monsieur Drancourt, ou alors juste pour nous dire bonjour… », je l’espère aussi, l’avenir nous donnera tort…

Rien que de l’écrire j’en frissonne.

 

Mes parents viennent me chercher en voiture, je les retrouve en bas à l’accueil principal de l’hôpital. Je vais retrouver mon chez moi et retrouver tout le monde, je suis tellement heureux malgré mes craintes.

Je ne dirai pas grand-chose dans la voiture durant le trajet, je profite, de tout, je regarde le ciel, lui qui m’a tellement manqué, le soleil qui me chauffe les joues à travers la vitre, les odeurs, moi qui n’avaient que celles de l’hôpital depuis des semaines.

Je regarde les gens, marcher, courir, discuter, des gestes communs mais qui prennent une autre dimension pour moi. Je viens de vivre un épisode difficile et je sais que ce n’est le début. Il va falloir s’accrocher me disait le Responsable du service Réa de St-Louis…(ba tu veux que je fasse quoi d’autre que de serrer les dents, j’ai une femme et 3 enfants qui ne demande qu'à vivre une vie de bonheur, bien sûr que je vais faire face et l’éclater ce Hodgkin !!).

Ça y est on arrive chez moi, on s’arrête devant la pharmacie voisine car j’ai une tonne de médoc à prendre.

« Ah bonjour, ça fait plaisir de vous voir…  (ah tiens décidément), votre femme nous a raconté… »

La pharmacienne nous connait bien, disons qu’avec 3 enfants en bas âge et en collectivité, on aurait pu leur demander une carte de fidélité…

Elle me propose de m’assoir sur une chaise en attendant les médicaments, malgré la présence de mon masque et d’un petit bonnet, elle voit que je suis assez essoufflé à rester debout. J’attends donc sur ma chaise quand un homme rentre en sifflotant limite en chantonnant…en voilà un qui est heureux, ça fait plaisir…

Je le vois commencer à faire pas mal de « remue-ménage » et voilà qu’il se met à parler tout seul !! tu vas voir dans deux minutes il va me taper la causette, à moi qui suis presque agonisant sur ma chaise, à demi essoufflé…

Oh merde, il me regarde….pff

En voyant mon masque en tissu sur le visage (vous savez comme au japon)…il me lâche un « ah ça y est la grippe est arrivée »…

Et sans réfléchir, mon naturel parle, disons mon humour provocateur… un humour noir parfois…en guise de réponse je lui lâche un « Non moi c’est un cancer des poumons ! »

je peux vous dire qu’on entendait les mouches volées après sa réponse : « ah… »

Certains me diront que c’est méchant de ma part, mais je ne l’ai pas fait pour ça, je voulais juste voir sa réaction, cet ascenseur émotionnel… :-)

Mes potes m’ont dit « oh l’enc.. » en leur racontant cette histoire, c’est pas faux :-)…

Au moins la prochaine fois qu’il verra quelqu’un avec un masque comme moi, il se posera peut-être d’autres questions… 

 

Ayé, je suis chez moi…silence, je suis installé dans mon canapé et j’apprécie le silence, aucun bruit, pas de bip bip, pas de « les constantes… », rien…

C’est devant mon miroir habituel que je prends conscience de ma transformation, la nouvelle coupe de cheveux, la perte de poids et puis ce masque…pff

C’est bientôt l’heure d’aller chercher les filles à la crèche et à la maternelle pour la plus grande. Seulement voilà, interdiction pour moi de rentrer dans ces établissements, bourrés de microbes, même hors aplasie puisque je suis immunodépresseur…

J’attends ma femme, elle arrive enfin, je la serre contre moi, comme je n’ai pu le faire depuis 1 mois, bisou interdit, dans le cou seulement...

Allez, nous partons pour aller chercher les filles, les retrouvailles seront fantastiques tout en étant douloureuses de ne pas pouvoir les embrasser comme je le veux, la grande, Margaux m’accepte vite avec mon nouveau look, je lui explique et réponds à toutes ses questions. En revanche pour les jumelles c’est plus difficile, ce masque cache mon visage, elles ne me reconnaissent pas, surtout chauve…

Elles ont bientôt 8 mois et ne m’ont pas vu depuis un moment, il va falloir qu’elle comprenne qui je suis, j’accuse un peu le coup mais ne le montre pas, ce doit être la fête à la maison, je suis de retour. Papa est à la maison…!!

Les premiers jours seront très fatigant, les nuits très compliquées, il faut trouver le sommeil même aidé par des médicaments, il y a beaucoup de choses dans ma tête, trop même. Et pourtant ma femme me laisse le lit rien que pour moi, pour ne pas prendre de risque de contamination, elle qui est tout le temps collée aux jumelles (forcément malades en ce début de vie en collectivité).

Les journées j’essaye de reprendre une vie « active », je marche un tout petit peu, je vais voir collègues, amis, famille mais chaque effort est un véritable défi physique. 80 % du poids perdu est de la masse musculaire (hey oh si si je suis musclé… :-)) du fait d’être resté alité si longtemps sans aucun exercice physique possible. Petit à petit je remonte la pente jour après jour, j’essaye d’être présent au maximum pour ma femme et mes filles en prenant un maximum de précautions. Mais je dois avouer qu’au début, chaque soir j’ai le besoin de m’isoler dans la chambre, souffler, faire le vide…

Mais comment fait ma femme pour assurer comme ça !!??

Et puis j’ai tous ces papiers à m’occuper, la sécu, la mutuelle, l’assurance du crédit, mon travail, trouver une infirmière à domicile sexy pour mes piqures quotidiennes d’anticoagulant et s’occuper du pansement du cathé fémoral infecté…

Bon finalement je vais me la faire moi-même cette piqure, hop le sujet du pansement réglé plus besoin de cet INFIRMIER...(donc pas sexy…).

Ça y est j’ai reçu ma convocation pour me faire poser le PAC, vous savez ce cathéter sous cutané au niveau du pectoral. Tout se passe en ambulatoire , ça c'est cool.

C'est pour dans quelques jours.

 

@suivre



21/12/2013
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